La disparition de Régine Deforges a suscité nombre de témoignages de brodeuses au point compté qui lui doivent beaucoup.
Sylvaine Lenoir lui a, ainsi, consacré un bien bel article dans lequel beaucoup se reconnaîtront.
Pour moi, tout a commencé le 8 mars 1988. Ce jour-là, ma soeur Catherine m'envoyait un cadeau de Noël qu'elle avait admiré pendant un bon mois... c'était l'ouvrage de Régine Deforges et Geneviève Dorman, Marquoirs (Albin Michel/Régine Deforges, 1987). Et voici que les souvenirs des moments passés à broder, coudre et tricoter avec grands-mères et arrière-grands mères revenaient avec une envie irrépressible de faire quelque chose de mes 10 doigts ! Sans doute la naissance de mon fils un an avant n'était-elle pas étrangère à ce besoin de réalisations concrètes : j'avais tricoté et cousu pour lui, mais peut-être fallait-il passer à une autre étape ? Historienne et archéologue de formation, j'entrepris des recherches quasi-méthodiques, soutenue par la parution en 1989 de L'encyclopédie des arts textiles AUTOUR DU FIL (Fogtdal) dont le premier volume commençait... presque par le mot Abécédaire ! Petit à petit, je me remis donc au point de croix, plutôt au point compté. D'abord avec de beaux modèles commercialisés par différentes marques. Par exemple, le modèle Celle 1808 du Deutsche Stickmuster-Museum Celle, les superbes 'n Hollandsche Schone anno 1790, Vierlande 1826 de Permin... Puis l'envie de créer arriva !

J'ai brodé ce marquoir en 1998. Il résume ce qu'était ma vie alors.
Tout est venu des frises végétales qui encadrent le marquoir. Elles sont reprises de celles que Marie Gay, 13 ans, a brodé en 1887 sur son marquoir , aujourd'hui dans ma collection.
En haut, les cerfs et chevreuils poursuivis par les chiens et les chasseurs symbolisent les forêts du plateau qui domine la ville de Lons-le-Saunier. Ils sont repris d'un marquoir de 1739 publié par Joke Visser dans son ouvrage Merklappen uit de lage landen (Atrium, 1996, p. 31 et grille p. 85). Dessous des alphabets de différents styles, des chiffres, des couronnes et l'indication de la brodeuse, du lieu et de la date de cet ouvrage.
Le jardin est représenté par des orangers surmontés d'oiseaux, des lapins, un énorme papillon bien dans l'esprit du XIXe siècle finissant. Dans la jardin, la famille : le père inspiré du marquoir de Joke Visser manie une bêche argentée, la mère porte une robe directement inspirée de celle, ocre et brune, d'une poupée scandinave en bois, le fils en costume hollandais du milieu du XIXe siècle bavarde avec l'épouvantail qui habitait alors notre jardin.. ici, il est coiffé d'une citrouille !
La maison est telle que je la rêvais alors : avec des volets bleus comme au bord de la mer, elle qui n'en a jamais eu que des blancs ! De part et d'autre, des tuyas (il n'y en avait qu'un sur la droite, mais la symétrie seyait mieux à l'esthétique générale). Et les chats qui ont vécu à la maison, par ordre d'apparition dans notre famille.
Il y eut des expositions enchantées, d'autres lectures inspirantes :
France Point de croix, 2001 - Du point de marque au point de croix. Catalogue de l’exposition de Nancy 2000. Paris, Mango Pratique, 160 p.
Collectif, 2001 - Point de croix. Au bonheur des filles. Paris, Editions de la Réunion des Musées Nationaux, 120 p.
Catherine Pouchelon, 2001 - Abécédaires brodés. Du modèle à l’ouvrage. Paris, Editions de l’Amateur, 192 p.
Brigitte Franche, 2002 – Marquoirs et trousseaux en Bourgogne. Précy-sous-Thil, Editions de l’Armançon, 120 p.
Et maintenant, grâce au projet Bannières brodées pour Gigny, Baume, Cluny... et à la rencontre avec Mady, initiatrice at animatrice infatigable du salon Les aiguilles se mettent au vert, les aventures au point compté se prolongent à Nans sous Sainte-Anne et en de nombreux lieux ! L'aventure à petits points continue, riche de rencontres et d'échanges !